13 Avril 2010

DECLIC : l’expérience française de l’ISS livre ses secrets

Installé à bord de la Station Spatiale Internationale en septembre 2009, l'instrument DECLIC développé par le CNES vient de livrer ses 1ers résultats. Grâce à lui, les scientifiques ont pu repérer à quelle température l'eau se transforme en eau supercritique.

13 avril 2010

373,995°C, la température « critique » de l’eau

373,995°C. C’est au dessus de cette température que l’eau sous pression (1) se transforme en eau supercritique, autrement dit devient liquide et gazeuse à la fois.

Cette température critique a été obtenue grâce au laboratoire DECLIC (2) dans la Station Spatiale Internationale.

« La mesure absolue doit encore être affinée mais c’est une 1ere en micropesanteur ! », se réjuit Gabriel Pont, chef de mission DECLIC au CNES.

Sur Terre, avec la gravité, il aurait été tout simplement impossible de faire de telles observations.

« En s'approchant de cette température critique, l'eau s'écrase sous son propre poids et se stratifie, explique Bernard Zappoli, responsable du programme des sciences de la matière au CNES. Conséquence : le milieu n'est pas homogène et on ne peut pas repérer la température critique avec précision. »

Voici 2 images DECLIC : celle de gauche, obtenue à température ambiante montre la bulle de gaz (rond blanc au centre) emprisonnée dans l'eau. Le cercle noir est le ménisque (dans un verre d'eau par exemple, il s'agit de la toute petite quantité d'eau qui a tendance à remonter sur le verre). L'image de droite, obtenue au dessus de la température critique, montre qu'il n'y a plus de notion d'interface entre l'eau liquide et l'eau gazeuse. On est en conditions supercritiques. Crédits : CNES/CEA/CNRS.

Les secrets de DECLIC

Le mini-laboratoire scientifique du CNES dans l'ISS pourrait bien permettre un jour de traiter les déchets sur Terre de façon totalement écologique. Crédits : CNES.

C’est donc à 400 km au dessus de nos têtes, pour y voir plus clair, que les scientifiques du CNRS et du CEA (3) ont décidé de travailler.

« Lors des 1ers essais, nous n’arrivions pas à avoir une température homogène dans la cellule d'eau, confie Gabriel Pont. Grâce à l’investissement des scientifiques et de l'équipe opérationnelle du CADMOS (4), qui pilote les expériences depuis le sol, nous avons résolu le problème. »

Mieux connaître l’eau pour mieux recycler les déchets

Les scientifiques ont alors pu suivre, dans le module HTI de DECLIC, l’évolution d‘une bulle de vapeur d’eau entourée d’eau liquide.

Un mouchard idéal pour savoir à quel moment précis et à quelle température l’eau change d’état. « La disparition de cette bulle révèle la disparition de ces phases liquide et gazeuse coexistantes et, par conséquent, le passage à l’état supercritique », précise Gabriel Pont.

Si les chercheurs s’intéressent à l’eau supercritique, c’est qu’il s’agit d’un état de la matière encore mal connu et très prometteur.

Un exemple ? L’eau supercritique peut dissoudre et « brûler » efficacement des déchets organiques sans émettre de polluants.

« Mais avant d’étudier ces phénomènes de combustion dite froide, il était essentiel de bien caractériser les propriétés physique de l’eau au voisinage de cette température critique, rappelle Bernard Zappoli. Prochainement, on va également étudier le comportement du sel dans l’eau supercritique, une situation que l’on retrouve dans le fond des océans, au niveau des dorsales. »

Dans les prochaines semaines, les scientifiques devraient en apprendre un peu plus sur le phénomène d’ébullition critique et sur la solidification de matériaux transparents grâce aux 2 autres modules de DECLIC, récemment livrés à l’ISS.

 

(1) Sous une pression de 220 bars, c’est-à-dire 220 fois la pression atmosphérique.
(2) Dispositif d’Etude de la Croissance et des Liquides Critiques.
(3) Institut de Chimie de la Matière Condensée de Bordeaux du CNRS et Institut Nanosciences et Cryogénie /SBT du CEA.
(4) Centre d'Aide au Développement des activités en Micropesanteur et des Opérations Spatiales.

Interview audio

Un coup de fil à Bernard Zapolli, responsable des programmes des sciences de la matière au CNES.


 

 

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